Témoignage de Bénédicte

Je m’appelle Bénédicte. A ma naissance en 1983, j’avais déjà un grand frère. Par la suite, quatre autres enfants s’adjoignirent à la famille. Mes parents, de confession catholique, avaient toujours été en recherche, ils avaient déjà beaucoup étudié la Bible et étaient habités d’un réel amour du prochain et du Christ. C’est dans ce contexte que j’ai poussé, mes premières années, entourée et stimulée par la présence de parents aimants.

Toute petite, je me souviens très bien avoir été réellement interpellée par la personne de Jésus. Dès mon entrée à l’école, j’expérimentai la solitude. Je n’avais sans doute pas le don d’entrer facilement en relation avec les autres. Je me souviens que mes parents prièrent pour cela, pour que je trouve une amie fidèle. Et c’est ce qui arriva, cette petite personne animait les plus petits dans des jeux et des rondes sur la cour et elle me fit rentrer dans son cercle. Notre amitié dura longtemps.
Vers six, sept ans, je me souviens très bien qu’un soir, lors de la prière quotidienne, papa nous demanda, à mon frère et à moi-même, si nous voulions donner notre cœur à Jésus. Le fruit était mûr. C’est ce que je fis avec mon frère, de tout mon cœur sincère d’enfant.

C’est à peu près à cette époque que mes parents rencontrèrent des chrétiens évangéliques et commencèrent à fréquenter les cultes. Aussi, ils purent, à la lumière d’un enseignement fidèle au sens premier du texte biblique, sans ajout, ni retranchement, traditions ajoutées au fil de l’histoire, trouver ce qu’ils attendaient depuis tant d’années. Papa, alors entrepreneur, entreprit des études dans un institut biblique. Trois années plus tard, il démarra un travail missionnaire à la frontière franco-belge. Une petite église naissait : la nôtre.

Vers l’âge de douze ans, croyante, ayant pesé les choses de la foi, je fus baptisée par immersion avec quelques frères et sœurs ainsi des amis. Puis vint l’adolescence : une période mouvementée, de survie. Je grandissais, subissant toujours le paradoxe de connaître un lieu d’épanouissement profond à la maison, avec mes parents, mes frères et sœurs ainsi qu’ à l’église ; tout en appréhendant très fort la vie à l’école, où mes condisciples me semblaient moins gentils, moins abordables, voire clairement hostiles. D’autre part, la vie de la maison, par l’accueil incessant de personnes d’autres cultures, passés, arrière-plans, m’avait procuré une vision de la vie particulière et il m’était difficile de trouver de véritables vis-à-vis, de trouver un lieu de compréhension profonde avec les gens de mon âge. J’eus quand même quelques copines.

A cette époque, je commençai à mettre à parti mes dons de musicienne au sein de l’église. J’accompagnais les cultes au piano, nous démarrâmes une chouette chorale, je participais à des camps chrétiens durant les vacances,… Cette vie-là me remplissait, m’épanouissait. Mais toujours cette langueur, ce poids de vivre et parfois des idées de suicide revenaient avec la vie à l’école. J’avais le nez collé aux réalités de l’actualité, aux faits historiques, aux déprédations de l’homme sur son propre environnement, cela me faisait terriblement souffrir. Je ne voyais qu’une issue agréable à cette adolescence : faire moi-même, comme l’avait fait mon père, l’institut biblique, pour approfondir ma foi, trouver une véritable assise pour me permettre de tenir ferme dans la vie.

C’est ce que je fis vers la fin de ma dix-septième année. Ce furent, réellement, trois des années les plus riches, les plus trépidantes de ma vie. Différents professeurs se succédaient chaque semaine, apportant la richesse de leurs points de vue sur les Écritures. J’ai côtoyé des personnes de très grande qualité qui m’ont marqué à vie. Parmi eux et les étudiants, j’ai rencontré des gens de milieux complètement différents, de par leur culture, leur nationalité, leur parcours de vie, la façon dont Dieu les avait connus particulièrement. Ce fut un réel partage. A ce moment, je connaissais la joie du salut dont il est question dans la Bible. Je comprenais ce que Christ avait fait pour moi, Lui qui existait sous forme de Dieu, avait laissé tomber Ses prérogatives pour connaître une vie humaine, avec autant de frustrations que la mienne (bien plus encore), Il avait eu pour objet de porter le péché du monde, à la croix, le mien, celui aussi du pire des pécheurs.

 Philippiens 2:5-11 

5 Ayez en vous les sentiments qui étaient en Jésus-Christ, 6 lequel, existant en forme de Dieu, n’a point regardé comme une proie à arracher d’être égal avec Dieu, 7 mais s’est dépouillé lui-même, en prenant une forme de serviteur, en devenant semblable aux hommes; 8 et ayant paru comme un simple homme, il s’est humilié lui-même, se rendant obéissant jusqu’à la mort, même jusqu’à la mort de la croix. 9 C’est pourquoi aussi Dieu l’a souverainement élevé, et lui a donné le nom qui est au-dessus de tout nom, 10 afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse dans les cieux, sur la terre et sous la terre, 11 et que toute langue confesse que Jésus-Christ est Seigneur, à la gloire de Dieu le Père.

J’étais justifiée, par Lui, j’étais vue « en Christ », par Dieu son Père et je ne méritais plus la condamnation (lire Ephésiens 1). J’étais ébahie par tout ce que j’apprenais et mue par une joie profonde. Je considérais aussi tous ceux que j’avais rencontrés dans mon cursus scolaire différemment : je pardonnais, je comprenais.

En vivant d’aussi près avec des autres, si différents de moi, je me détachais des liens du légalisme (forme de religion liée aux efforts personnels), je m’abandonnais en Dieu, comptant sur Ses propres forces pour ma transformation intérieure. Je comprenais que la route qui mène vers le ciel, bien que parsemée d’embûches, est un chemin ascendant, et que Dieu en est Le maître d’ouvrage. Je rencontrai aussi une amie de mon âge, qui avait eu un tout autre arrière-plan que moi et un attachement bien plus profond au Seigneur, cela m’apporta beaucoup et me montra que je pouvais encore progresser dans ma foi et mon amour pour Dieu.

Puis vint le temps où il fallut trouver une orientation claire pour ma vie. C’était compliqué, mais entre deux passions : l’histoire de l’art et l’enseignement, j’optai pour celui qui serait le plus utile socialement.

C’est ainsi que je démarrai mes études d’enseignante. J’avais beaucoup changé. Je me suis réellement plue là, m’intégrant bien et appréciant camarades et professeurs. Je pris à bras le corps une masse de travail que je n’avais encore jamais embrassée jusqu’alors. Si, au début, j’avais gardé un temps consacré au Seigneur, au fur et à mesure, il ne restait quasiment plus rien pour Dieu. La vie adulte s’imposait à moi d’une façon qui me déplaisait, moi qui avais toujours aimé avoir du temps pour la contemplation, l’introspection, la réflexion, la lecture… Ce fut une période difficile.

Par la suite, ma première année de travail fut un choc. Le travail était incessant. Je commençai vraiment à douter de l’existence de Dieu, Lui disant que s’Il existait vraiment, j’avais besoin de signes…

A cette époque survinrent d’autres soucis : notamment des désaffections de personnes à qui je tenais au sein de l’église. Je cherchais également l’âme sœur, sans la trouver. J’eus quelques déceptions sentimentales et me laissai sombrer dans un grand découragement. Rien n’avançait, je piétinais dans la vie, ayant des soifs immenses, sans pouvoir les assouvir. Ayant toujours eu quelque part au fond de moi hésitation entre doute et foi, je tombai dans une forme d’agnosticisme. Ce fut une spirale descendante.

Après deux années de travail, je repris des études dans une grande ville de Belgique. J’avais le sentiment d’être une personne construite et de n’avoir qu’une option devant moi : dilapider ce qui me constituait. J’étais occupée en apparence, mais très révoltée et malheureuse au fond.

A ce moment, de curieux hasards m’interpelèrent…

Le premier jour où je m’assis dans l’amphithéâtre, je me retrouvai à côté d’une fille de pasteur finlandais… Aussi, un professeur d’université montrait publiquement sa foi en cours…

J’avais du mal à peser l’engagement d’une vie de foi et de défis de mon père (dans l’accueil aux réfugiés entre autres), comme une chose qui aurait pu arriver de soi, sans aide supérieure…

Je repensais à certains de mes frères et sœurs chrétiens qui m’avaient apporté, par leur modèle, leur foi, leur façon d’affronter les épreuves de la vie avec dignité, espoir, persévérance… des empreintes indélébiles. (Lire le Témoignage d’Eva.)

Comment leur foi aurait-elle pu être un leurre ?
Puis il y eut le mariage de l’un de mes proches. Il se termina de manière fracassante, par un adultère déclaré très peu de temps après. Je ne comprenais plus rien. Je ne pouvais pas concevoir le fait de faire souffrir quelqu’un d’une manière aussi profonde, sans remords, ni honte. A l’entour de moi, tous les gens que j’avais appris à considérer, avaient acquis le potentiel de la traîtrise. Pire encore, cette image se retournait vers moi : « Si eux le sont, tu l’es aussi », me disais-je. Jamais conscience plus claire de notre nature pécheresse ne m’avait sauté à la figure. Les eaux troubles m’appelaient littéralement. Deux fois, je me sentis mourir pendant la nuit, mais je résistai, sachant que je n’étais pas prête, n’ayant à ce moment aucune assurance réelle d’aller vers Dieu.

Je ne voyais qu’une solution pour continuer de vivre, assumer pleinement ma vie chrétienne, arrêter de danser d’un pied sur l’autre. Ce fut une véritable mort à moi-même, avec des moments d’agonie. Je ne voyais que le côté astreignant de cette vie-là, une suite d’efforts sans fins, un doigt pointé sur les défaillances de mon caractère…

Et puis, peu après, un jour, seule dans ma chambre, alors que je priais pour abandonner ma vie et mes prérogatives à Dieu, je ressentis pleinement Sa présence. Une joie, un amour, une consolation indescriptibles. Je vivais ce que la théologie m’avait appris quelques années plus tôt, …

 Psaume 139:5-6 
5 Tu m’entoures par derrière et par devant, Et tu mets ta main sur moi.
6 Une science aussi merveilleuse est au-dessus de ma portée, Elle est trop élevée pour que je puisse la saisir.
A ce moment-là, je pouvais rester des week-ends entiers seule et vivre des temps de bonheur incommensurable, à la manière des premiers chrétiens représentés dans les catacombes en « orants »… Des écailles tombèrent de mes yeux et des passages qui m’étaient obscurs dans les Écritures s’éclairèrent comme jamais auparavant. A partir de ce moment, ce fut un temps intense de création, de renaissance qui marqua ma vie. Voici un des textes écrits à l’époque :

« Que n’ai-je le verbe plus facile
La plume plus docile
Pour écrire une ode
Au Seigneur de l’univers
Qui subjugue et console
L’âme en ruines délaissée
Que n’ai-je des chœurs d’anges aguerris
Pour chanter les louanges de Celui
Qui dit à l’aveugle : vois
Au paralysé : marche
Au mort : revis !
Celui qui comble l’âme humaine
De sa quête la plus existentielle
Et la laisse à toujours habitée
Du plus illustre hôte »

Je me rendis compte que tout ce que j’avais appris, pendant tant d’années, m’avait servi de véritable consolation au moment où j’avais été la plus éprouvée. Je découvrais, avec délices, « Mon Bon Berger ». Je comprenais, le pardon du Père du fils prodigue.

Je repris une vie d’église dans cette ville sans m’y sentir vraiment à ma place. Je dus pendant ces temps-là, remettre beaucoup de choses en ordre dans ma vie… Après encore quelques temps, je revins vers ma chère famille dans le sud de la Belgique et pris part à la vie de cette maison bien spéciale, visitée par la grâce, qu’est la maison de mes parents. Je compris mieux leur vocation chrétienne d’accueil et d’amour en la pratiquant avec eux, de tout cœur, comme jamais auparavant. Je pris conscience de l’héritage qui m’était échu en Christ, et de tout ce qu’Il pouvait initier de vrai, de bon, de beau dans la vie d’un simple mortel (dans mes jeunes années, je l’avais compris avec l’intellect).

Je peux dire aujourd’hui que je me sens enfin adulte, pleine, que j’ai trouvé un épanouissement en Christ qui dépasse toute langueur et toute épreuve douloureuse de la vie.

 Psaumes 73:21-26 

21 Lorsque mon cœur s’aigrissait, Et que je me sentais percé dans les entrailles,
22 J’étais stupide et sans intelligence, J’étais à ton égard comme les bêtes.
23 Cependant, je suis toujours avec toi, Tu m’as saisi par la main droite ;
24 Tu me conduiras par ton conseil, Puis tu me recevras dans la gloire.
25 Quel autre ai-je au ciel que toi ? Et sur la terre, je ne prends plaisir qu’en toi.
26 Ma chair et mon cœur peuvent se consumer. Dieu sera toujours le rocher de mon cœur et mon partage.

| Bénédicte. |